Un sujet si délicat à aborder et pourtant si important... Mais comment aborder le sujet avec un enfant ? Et surtout quoi lui dire ?
Pourquoi avons-nous si peur d'évoquer "la mort" avec un enfant ?
Dans nos sociétés la mort est un sujet tabou et quand celle-ci touche un membre de notre famille, un ami, notre bébé ou bien un compagnon de vie ô combien d'entre nous ont pu entendre des phrases maladroites comme "maintenant il faut aller de l'avant", "aller tourne la page !", "ton chagrin passera ne t'en fais pas"... Et combien de jours de congés au travail avons-nous le droit d'avoir lors du décès d'un proche ? 0 pour un ami, 1 pour une grand-mère, 3 pour un conjoint/un père/une mère et au maximum 22 jours pour un enfant (et encore dans des conditions bien particulières). Autant d'injonctions nous incitant à reprendre rapidement le cours de notre vie telle qu'elle était avant le décès de l'être cher.
Il y a aussi la gêne que l'on peut ressentir lorsqu'on évoque ce sujet même entre adultes voir même la peine ressentie face au souvenir d'un décès passé. La mort est encore plus délicate à aborder avec un enfant et on se pose généralement tout un tas de questions : comment vais-je lui annoncer que son grand-père est décédé ? comment lui expliquer ce qu'est la mort pour qu'il comprenne ? comment lui dire sans qu'il soit traumatisé, qu'il en fasse des cauchemars ?... Bien souvent nous avons peur d'éveiller chez eux des angoisses, des peurs et nous voulons à tout prix les préserver des malheurs de la vie quitte à user de métaphores "il s'est endormi pour toujours", "il est au ciel" ou bien tout simplement à garder une mort secrète.
Mais on en oublie une chose essentielle : la mort fait partie de la vie et tôt ou tard, les enfants y seront confrontés. Les études scientifiques ont d'ailleurs montré que dès l'âge de 3 ans les enfants se questionnent et ont une conception bien à eux de "la mort" même en l'absence de décès récents autour d'eux. Evoquer ce sujet leur permet bien au contraire de mettre des mots sur ce concept à la fois simple et si complexe à comprendre.
A quel moment aborder le sujet de la mort avec un enfant ?
Le sujet de la mort est souvent abordé au moment du décès d'un proche ou d'un animal de compagnie mais en réalité il y a mille et une situations où l'on pourrait aborder ce sujet. Voici une liste non exhaustive de contextes où la mort peut être un sujet de discussion avec un enfant :
Le développement du concept de "mort" chez l'enfant
Age préverbal : l'enfant ne peut pas mettre de mots sur le concept de "mort" et sa compréhension passe avant tout par la détresse émotionnelle et physique qu'il peut ressentir lorsqu'un proche est absent. La mort est donc vécue comme similaire à un abandon ou une longue absence.
De 3 ans à 6 ans : la mort est perçue comme réversible, temporaire. Pour l'enfant c'est comme quand on dort, nous entrons dans le sommeil mais nous pouvons également en sortir en nous réveillant. L'enfant demande généralement quand son proche va revenir, combien de temps il va rester mort. Il n'a pas encore la capacité de saisir l'arrêt du corps et de ses organes il peut donc demander si son proche a faim, soif ou encore comment il fait ses besoins.
De 7 ans à 10 ans : l'enfant prend conscience du caractère universel de la mort. Cette période peut éveiller d'intenses angoisses comme celles de perdre ses parents par exemple. La mort peut subvenir à n'importe qui et à n'importe quel moment. L'enfant saisit que chaque être vivant finira un jour ou l'autre par mourir.
De 10 ans à 12 ans : c'est l'âge où l'enfant comprend qu'il est lui-même susceptible de mourir. C'est souvent l'âge où il se questionne sur ce qui existe après la mort.
ATTENTION ! Il est important de déconstruire les liens de causalité que font les enfants entre la mort et d'autres circonstances en lien avec celle-ci mais ne l'ayant pas provoquées. Exemple d'un papa qui crie sur son fils car il n'a pas rangé sa chambre et qui, 1h après, fait une crise cardiaque sous les yeux de son fils. L'enfant pourra se dire que c'est parce qu'il n'a pas rangé sa chambre que son papa est décédé. Ce raisonnement peut amener l'enfant à penser que s'il n'est pas sage, ses proches pourront mourir eux aussi à cause de son comportement. Il acquerra la compétence de remettre en question ce raisonnement qu'entre l'âge de 5 et 10 ans seulement.
10 conseils pratiques pour aborder la mort
1. Employez des mots clairs et sans ambiguïté : "Grand-mère est morte", "Félix notre chat est décédé". On évite le plus possible les métaphores de type "il s'est endormi pour toujours" ou "elle est montée au ciel" qui ne permettent pas à l'enfant de comprendre réellement que la personne est morte et qui peuvent créer des angoisses comme une peur intense d'aller dormir.
Il est important de ne pas faire intervenir nos croyances culturelles ou religieuses lors de cette annonce ("il est avec les anges dans le ciel", "il est allé rejoindre Dieu"). Cependant, chacun est libre d'évoquer ce qui arrive après la mort en lien avec ses croyances personnelles.
2. Faites des phrases courtes et donner seulement les informations essentielles : "Papa est mort. Son cœur s'est arrêté car il avait une grave maladie". Cela permettra à l'enfant de mieux intégrer la nouvelle et de ne pas être noyé dans un flot d'informations pas forcément compréhensibles ou utiles pour lui.
3. N'ayez pas de sujets tabous et ne cherchez pas à cacher ou modifier des informations : "Tante Gertrude est morte dans un accident de voiture" alors qu'en réalité celle-ci s'est suicidée.
4. Laissez les silences et permettez à l'enfant d'éprouver ses émotions.
5. N'ayez pas peur d'exprimer vos émotions devant l'enfant et de les normaliser : "Tu sais moi aussi je suis très triste que Snoop soit mort. C'est normal de se sentir comme cela quand quelqu'un qu'on aime meurt". Cela permettra à l'enfant de s'autoriser à ressentir ses propres émotions et à vous en faire part.
6. Laissez la possibilité à l'enfant de vous poser des questions. N'ayez pas honte de répondre "je ne sais pas" et pour celles dont vous avez la réponse respecter la règle des phrases courtes, avec des informations essentielles et claires.
Astuce : Lorsqu'une question vous met mal à l'aise ou vous semble délicate, pensez à retourner la question à l'enfant. Cela vous permettra de réfléchir à votre réponse et de partir de ce qu'il sait déjà du sujet : "et toi t'en penses quoi ?".
7. Rassurez le en discutant avec lui de ses angoisses et en maintenant le plus possible ses routines quotidiennes pour lui offrir autour de cette peine un cadre sécurisant (l'heure des repas, l'histoire avant d'aller dormir, les sortis, l'école, …).
Astuce : pour les enfants qui auraient dû mal à parler de leurs angoisses n'hésitez pas à leur faire représenter celles-ci sous forme de dessin ou de jeu (poupée, Playmobil, …) ou encore d'utiliser un support adapté (livre, dessin animé, ...).
8. Déculpabilisez l'enfant des possibles liens de causalité qu'il pourrait créer : "Ce n'est absolument pas de ta faute. Le cœur de papa s'est arrêté car un gros vaisseau sanguin proche de son cœur s'est bouché mais pas parce qu'il t'a crié dessus. La colère ne tue pas".
9. Parlez à l'enfant des rites et cérémonies. Laissez lui la possibilité de verbaliser son souhait d'assister ou non à l'enterrement ou de venir voir le défunt au salon funéraire. L'important est de ne jamais le forcer à faire une démarche qu'il n'a pas souhaité : "Allez vient voir papi c'est la dernière fois que tu le verras tu sais", "Tu étais proche de lui tu ne peux pas refuser de le voir ou d'assister à la crémation". Si l'enfant décide de venir au salon ou à l'enterrement il est primordiale qu'un adulte reste auprès de lui pendant tout le temps de la cérémonie. Expliquez lui en amont tout le déroulé ainsi que ce qu'il pourrait voir, sentir, entendre le jour j et qui pourrait le surprendre ou lui faire peur. Reparlez en avec lui une fois la cérémonie terminée et aidez le à poser des mots sur son vécu.
Les études n'ont pas fait de consensus quant à l'âge minimum où l'enfant peut assister à un enterrement. Mais quelques recommandations s'imposent tout de même. L'enfant doit être en capacité d'émettre le souhait de venir et ça même 1 minute avant de prendre la voiture en direction du lieu de l'enterrement. Il est important de pouvoir lui demander plusieurs fois son souhait d'être présent car l'enfant peut changer d'avis. De plus, gardez en tête que l'enfant doit être accompagné tout du long et cela même après la cérémonie.
10. Abordez l'après : "Mamie est morte mais l'amour que nous avons pour elle ne s'éteindra jamais", "On pourra aller déposer des fleurs 1 fois par mois sur sa tombe si tu en as envie ?",...
Quels supports pour en parler ?
Vous pouvez utiliser n'importe quel type de support avec lequel vous vous sentez à l'aise : livre, manga, jeux vidéo, documentaire, ...
Pour vous aider à trouver un support adapté à l'âge de l'enfant vous pouvez consulter le site : https://lavielamortonenparle.fr
Si malgré tout ces conseils vous ne vous sentez pas d'aborder le sujet, surtout n'ayez aucune culpabilité. Vous pouvez tout à fait faire appel à un professionnel de santé (médecin généraliste, psychologue, ...) pour vous aider dans cette démarche.
Quelques exemples de supports
Références bibliographiques :
Bacqué, M. F. (2018). Parler de la mort d’un proche avec un enfant. Jusqu’à la mort accompagner la vie, 132(1), 11-22.
Ganière, J., & Fahrni-Nater, P. (2011). Partager autour de la mort avec les enfants: perspectives d'aujourd'hui. Revue internationale de soins palliatifs, 26(1), 31-36.
Hanus, I. (2008). Parler de la mort avec son enfant. Études sur la mort, (2), 59-70.
Alicia Vittot psychologue clinicienne TCCE
n° RPPS 10009904086
©Droits d'auteur. Tous droits réservés.
Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions
Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.